Non : le dossier de la quarante – troisième livraison d’Azimuts n’est pas pour la revue le signe annonciateur de sa propre disparition ! Que nos lecteurs nous pardonnent, qui déploreront peut-être qu’un dossier consacré au thème de la fin vienne charger plus encore l’atmosphère apocalyptique des temps de crise et de misère que nous traversons. Qu’ils se rassurent aussi : cet éditorial n’est pas un spoiler et laissera entier le plaisir de lire jusqu’à la fin chacun des articles du numéro.
TEOTWAWKI. Ce vocable étrange qui sert de motif à la couverture d’Azimuts 43 ne provient ni du nahuatl ni de l’inuktitut ; il compte au nombre des acronymes en usage chez les survivalistes et preppers auprès desquels Bertrand Vidal a conduit l’enquête sociologique dont il rend compte ici dans « Into the wild ». Camille Chatelaine, Alice Courilleau et Julie Gayral, toutes trois engagées dans le Cycle Design Recherche de l’ESADSE (CyDRe), cherchent quant à elles à interroger la fin du monde via ses modes de prédiction – entre calcul des probabilités et divination chamanique – et via les techniques déployées par les preppers pour survivre le jour d’après.
Bien que très ancien, le thème de la fin a connu dans la seconde moitié du XXe siècle un écho tout particulier : en témoignent les développements désespérés d’un Günther Anders, dont l’œuvre produit une critique définitive de la modernité obsolescente, ou encore l’horloge de la fin du monde, alerte imaginée par les chercheurs du Bulletin of the Atomic Scientists – dont Camille Chatelaine retrace ici la petite histoire. Fin du monde, cataclysmes, catastrophes, péril atomique, menaces écologique ou politique, autant de motifs que le cinéma s’est appropriés aussi, et dont Céline Chip (CyDRe) propose dans ces pages un aperçu raisonné. Yves Citton nous fait ici l’amitié de relire Ceci tuera cela, texte d’anthologie où Victor Hugo prophétise la disparition définitive de l’architecture au profit du livre imprimé. Enfin et comme souvent depuis quelques numéros, la rubrique Varia est dédiée à la typographie : on y découvrira la traduction inédite d’un texte de John Downer consacré – faut-il y voir une raison d’espérer ? – au revival.